Après avoir renoncé l’an dernier à participer au festival de jazz de Saint-Louis (nord du Sénégal) pour raison de sécurité, l’Afro-Américain Marcus Miller est venu au rendez-vous de 2017. Il a conquis et ému le public mardi soir.
Miller s’est produit au deuxième jour de ce festival – surnommé aussi Saint-Louis Jazz, comme l’association qui l’organise. Ouverte lundi soir, la 25e édition de cet évènement culturel phare à Saint-Louis, se poursuit jusqu’au 1er mai sous haute surveillance en raison des menaces jihadistes dans le Sahel.
Après le rendez-vous raté de 2016, sa prestation était très attendue. Sur scène, le musicien multi-instrumentiste de 57 ans a joué de la guitare et du saxophone, accompagné de son orchestre formé d’un claviste, d’un batteur et d’un saxophoniste.
Marcus Miller a chanté, dansé et fait plusieurs fois applaudir le public, venu nombreux sur la Place Faidherbe, au coeur de Saint-Louis, ville située entre l’océan Atlantique et le fleuve Sénégal.
Quand il a interprété « Gorée », un morceau en hommage à l’île au large de Dakar d’où ont été déportés de nombreux esclaves vers l’Amérique, les spectateurs étaient d’abord émus puis surexcités.
« C’était très dur quand j’ai visité Gorée. Ce morceau, je l’ai composé lors de ma première venue au Sénégal, il y a sept ans », pour évoquer « les douleurs » de la traite négrière mais aussi montrer que « l’esprit peut transcender les choses horribles », a-t-il dit, dans un français au fort accent américain.
Autre morceau ayant fait bouger le public: « Tutu », qu’il a composé en 1986 en hommage au trompettiste de jazz américain Miles Davis décédé en 1991.
Avant Marcus Miller, la scène avait été occupée par le chanteur Lokua Kanza, virtuose de la musique acoustique originaire de la République démocratique du Congo (RDC). Autres séquences d’émotions.
Avant de se laisser emporter par les notes de Marcus Miller et de Lokua Kanza, le public a, à la demande des organisateurs, observé une minute de silence en mémoire d’une figure de l’art et de la culture du Sénégal, Issa Samb, dit Joe Ouakam, décédé mardi à Dakar.
Samb, septuagénaire, était peintre, sculpteur, dramaturge, comédien – il a notamment joué dans « Hyènes », du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambéty – et fondateur de sites dédiés à l’art à Dakar.
Joe Ouakam l’anticonformiste
De frêle silhouette, arborant légères lunettes rondes, barbe, moustache et cheveux blancs mais aussi parfois des vêtements chauds par temps chaud, il représentait pour de nombreux Sénégalais une légende vivante de l’anticonformisme.
« Joe Ouakam a accompagné le festival par ses conseils. Un géant est parti », a déclaré Mamadou Diop, président de l’association Saint-Louis Jazz.
Mais la magie des notes et le chagrin n’ont pas occulté les précautions de sécurité exceptionnelles.
Mardi soir, comme la veille, des policiers en armes étaient déployés tout autour du site, des fouilles étaient faites à l’entrée.
Le Sénégal est encore épargné par les attaques jihadistes qui ont frappé Bamako au Mali, Ouagadougou au Burkina Faso et Grand-Bassam en Côte d’Ivoire.
Cependant, plusieurs jihadistes présumés y ont été arrêtés ces derniers mois et y sont maintenus en détention.
Le programme du 25e Saint-Louis Jazz comporte des prestations d’autres grands noms de la musique, dont l’organiste et bluesman Lucky Peterson ou encore Lisa Simone – fille de Nina Simone, aux côtés des Sénégalais Baaba Maal et Cheikh Lô.
Le festival de jazz de Saint-Louis est aujourd’hui, selon ses organisateurs, « une référence dans l’agenda musical international ».
Pour Alpha Abdoulaye Sow, qui a assisté au concert inaugural de la 25e édition, le Saint-Louis Jazz « est une vitrine pour la culture saint-louisienne. C’est grâce au festival que nous avons pu découvrir de grands musiciens de renommée mondiale comme les Marcus Miller, les Ali Farka Touré ».
Miller et Touré ainsi que Randy Weston, Herbie Hancock, Elvin Jones, Roy Haines, Lucky Peterson, Liz McComb, Gilberto Gil, Manu Dibango, Joe Zawinul, entre autres, ont contribué à construire la légende et la réputation de l’évènement.